couverture de l'évènement

crédit photo : © Zaven Sargsyan

"JE n'ai plus que le droit de rêver" de SERGUEÏ PARADJANOV

JE N'AI PLUS QUE LE DROIT DE RÊVER
Dessins et collages

Les dessins réalisés par Paradjanov en prison marquent un tournant dans sa carrière, caractérisé par la maîtrise remarquable du stylo bille et l’émergence d’un style graphique plus intime, plus intériorisé, plus sombre aussi, proche d’artistes de la tragédie grotesque des « petites gens » comme Ensor ou Rouault.

Grâce à un partenariat scientifique entre le musée Despiau-Wlérick et le Musée Paradjanov d’Erevan, cette exposition proposera au public un ensemble d’œuvres issues du riche fond du musée Paradjanov, dont plusieurs seront présentées pour la première fois en France. Une sélection de ses collages les plus remarquables permettra au public néophyte d’apprécier cet aspect plus flamboyant et baroque de son œuvre plastique, mais l’exposition mettra surtout l’accent sur un ensemble d’œuvres graphiques moins connues, créées au cours de ses années d’internement en camp d’internement à régime sévère de 1974 à 1977, puis après sa libération, lorsqu’il imagine des images et des films qu’on lui interdit de réaliser. Cette sélection inédite permettra de proposer de nouvelles perspectives sur le travail plastique et filmique de Paradjanov.
Les dessins réalisés par Paradjanov en prison marquent un tournant dans sa carrière, caractérisé par la maîtrise remarquable du stylo bille et l’émergence d’un style graphique plus intime, plus intériorisé, plus sombre aussi, proche d’artistes de la tragédie grotesque des « petites gens » comme Ensor ou Rouault. En prison comme en liberté, Paradjanov, crée avec ce qu’il trouve, mais les ressources sont rares derrière les barbelés du camp. Alors, avec l’ongle du pouce, il sculpte au repoussé dans les capsules en aluminium de ses bouteilles de lait, de délicats portraits en relief qui rappellent les médaillons orfévrés ornant la couverture des manuscrits enluminés des monastères Arméniens. La modestie des matériaux, leur rareté, leur petites dimensions, poussent Paradjanov à travailler avec une délicatesse inouïe qui transforme chaque déchet en trésor. Après sa sortie de prison, cette tendance d’alchimiste à transcender le rebus marquera chacun de ses dessins et collages.
La contrainte de l’environnement carcéral marque aussi un tournant dans son approche du dessin. Avec un sens exquis du détail, Paradjanov trace de fines saynètes miniatures sur des supports improvisés : papiers déchirés, emballages, mouchoirs en tissus, boîtes d’allumettes. Obsèdé par le cadre, il entoure ses dessins de délicats encadrements réalisés par assemblages de bouts de ficelles, de morceaux de fils de fer et de minuscules fleurs séchées arrachées au bitume.
Emprisonné, Paradjanov est un cinéaste à qui on interdit de réaliser : dans les suites de minuscules dessins au stylo-bille réalisés sur des fonds de boîtes d’allumettes - ses « timbres » comme il les appelle - on voit se mettre en place un approche méthodique de la série qu’il conservera jusqu’à la fin de sa carrière...Lui qui n’a plus, pour dessiner, que des « bics » et des bouts de papier, redouble d’inventivité et exerce avec une ferveur militante le seul droit qu’il lui reste : celui de rêver ses images.

Libéré en 1977, Paradjanov survit dans la maison familiale de Tbilissi en vendant des objets personnels et grâce à ses voisins et amis. L’interdiction de filmer par le régime Soviétique, qui durera plus de quinze ans, le prive du même coup de la sève de son existence et de son statut même de citoyen. Enterré vivant à Tbilissi, il se bat et pour assouvir son besoin de création et se lance à corps perdu dans la réalisation de collages, dessins, assemblages photographiques, exécutés à partir de fragments de livres, d’objets trouvés dans la rue, de verroterie. Sa maison devient un cabinet de curiosités aux murs vivants et mouvants, un petit théâtre personnel où Paradjanov se met en scène pour accueillir les intellectuels du monde entier, fascinés par la rencontre avec ce monstre d’imagination devenu son propre personnage.
La suite de l’exposition aborde l’évolution de sa pratique du dessin au cours des années dans cette nouvelle prison qui ne dit pas son nom : comment le dessin influence-t-il sa manière de penser ses images, d’imaginer le cinéma qu’il ne peut réaliser ? Le travail de la série en dessin est alors un moyen d’imaginer son cinéma, mais Paradjanov s’en empare aussi et surtout comme un médium entièrement indépendant par lequel il peut pleinement s’exprimer.

C’est particulièrement remarquable dans la série de dessins pour son ultime projet de film autobiographique, Confesssion. Les dessins qu’il exécute pour donner corps à ce projet sont marqués par la recherche d’une unité stylistique et esthétique qui vont bien au-delà du simple story board. Paradjanov expérimente les techniques graphiques, associant stylo-bille, feutre et collage. Le rythme et la composition des images, le choix de couleurs primaires volontairement irréalistes, marquent une véritable rupture avec l’esthétique soignée et les accumulations décoratives délicatement statiques vers laquelle son cinéma avait évolué avant la prison. Loin des célèbres plans fixes de Sayat Nova, les dessins de Confession sont marqués par des perspectives aiguës qui créent des profondeurs de champ artificielles et dérangeantes, des personnages en flottement dans le blanc du papier…C’est bien en dessinateur que Paradjanov pense d’abord cet ultime film. En 1983, après plusieurs années de mobilisation de la communauté internationale du cinéma, Paradjanov est finalement autorisé à filmer de nouveau. La Forteresse de Souram en 1984 et Achik Kerib en 1987 sont ses deux derniers chef d’œuvres. En 1988 Achik Kerib est présenté en première mondiale au Festival de Munich et Paradjanov, autorisé pour la première fois à sortir d’URSS, pour assister à cet hommage international à l’ensemble de son œuvre. Le tournage de Confession débute enfin en juin 1989 dans sa maison de Tbilissi, mais Paradjanov, dont les poumons ont été gravement affaiblis par ses années d’internement, est hospitalisé et rapatrié à Paris pour y être soigné. Son état empirant, il demande à rentrer à Erevan où il meurt le vendredi 20 juillet 1990.

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Exposition de dessins et collages

portrait de l'intervenant

Paradjanov

En plus de son œuvre de cinéaste, Paradjanov a réalisé plus de 800 collages, dessins et assemblages, dont la très grande majorité est conservée au sein du musée Serguei Paradjanov d’Erevan. Fondé en 1988, cette collection exceptionnelle rassemble ses œuvres plastiques et ses effets personnels, dans un esprit qui évoque la maison de Tbilissi. L’exposition au Musée Despiau-Wlérick sera accompagnée d’un important dispositif padagogique à destination de tous les publics : projections de films, ateliers, masterclass, conférences, se tiendront pendant toute la durée du festival Yeraz et au-delà.

  • Date : 22 mars › 19 juin
  • Durée : 3 mois
  • Public : Tout public
  • Genre : EXPOSITION
  • Lieu : Musée Despiau Wlérick
  • Prix : De 1€ à 2€

Ouvert du lundi au dimanche, de 9 à 19h pendant toute la durée du festival après le festival : ouverture mercredi-dimanche, 9-12h/14-18h.
Réservation : sur place au Musée Despiau Wlérick

Mardi 22 mars
Vernissage à 20h
Commissariat : Mathilde Lecuyer-Maillé, Serge Avédikian

Mardi 29 mars
17h : Visite guidée
18h : Projection Le Scandale Paradjanov (au musée - gratuit)
20h30 : Conférence de Serge Avédikian

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